jeudi 13 janvier 2011

Epaule

Parfois, je ressens un manque immense.
Que je ne sais comment remplir et qui est sûrement la principale raison de ma présence ici, ou ailleurs, sur internet.
Je voudrais avoir une épaule pour pleurer.
Pour me plaindre, pour me soutenir.

J'en ai parfois tellement ras le bol d'être la béquille universelle.

Je suis réaliste.
Je sais bien que c'est aussi moi qui provoque cet état de fait, et que vraisemblablement je ne me satisferais pas d'une relation dans laquelle l'autre serait ma béquille, parce que j'ai du mal à m'admettre en difficulté.
J'ai toujours tout voulu faire toute seule, tout gérer, être capable de m'auto-assumer sans l'aide de personne.
Parce que mon vécu m'a construite comme ça, pour me protéger de ce que je ne voulais pas devenir.
Parce qu'aussi j'ai été déçue des premières fois où j'avais enfin osé ne plus tout porter sur mes épaules.

J'ai appris à ne pas pleurer. Je me souviens de moi, enfant, revenant de l'école à pieds, redoutant mon arrivée à la maison et me répétant sur tout le chemin du retour "sois forte, garde la tête haute et pleure derrière un buisson".
Je ne sais pas où j'avais trouvé cette phrase.
Je me souviens simplement d'un jour où je m'étais réfugiée dans ma chambre pour étouffer mes sanglots, et de la voix de ma mère, sardonique, derrière la porte : "et ça y est, la revoilà qui se met à pleurnicher, pour changer".
C'est ce jour-là que j'avais pris la décision de ne plus jamais la laisser entrevoir le mal qu'elle pouvait me faire.
Qu'à défaut de pouvoir m'en préserver, alors je lui enlèverai le plaisir de voir qu'elle avait le moindre impact sur moi.
Alors pour m'auto soutenir, je me répétais cette phrase, tous les jours, tout le long du chemin.
Jusqu'à ne plus être capable de laisser couler la moindre larme de mes yeux.
J'avais alors 17 ans.
Mon Papy venait de mourir, mon chagrin était immense, mais je n'étais pas capable de verser les larmes qui m'auraient fait tellement de bien.

Un peu plus tard, j'ai lu "Le livre de ma mère" d'A. Cohen.
Et ce passage est devenu ma nouvelle ritournelle : "Et surtout, n'oublie pas de sourire. Souris pour escroquer ton désespoir, souris pour continuer de vivre, souris dans ta glace et devant les gens, et même devant cette page. Souris avec ton deuil plus haletant qu'une peur. Souris pour croire que rien n'importe, souris pour te forcer à vivre, souris sous l'épée suspendue de la mort de ta mère, souris toute ta vie à en crever, et jusqu'à en crever de ce permanent sourire".

J'avais remarqué combien le sourire facilitait les choses, mais combien aussi il pouvait agacer ceux qui cherchaient en vain à le retirer de mon visage.
L'arme la plus absolue.

Mais je suis alors devenue une image.
L'image d'une personne respirant le bonheur et la joie de vivre.
D'une personne que rien n'ébranlait.
Alors même que j'étais rongée par les pensées les plus sombres et noires qui soient.
Des années durant.

Et puis enfin, le sourire est arrivé jusque dans mon coeur.
A défaut d'y être un résident permanent, il y a quand même une grande place réservée et combat activement et efficacement les idées moins joyeuses qui peuvent parfois encore s'y trouver.

MAIS....

Parfois les petits détails les plus anodins ont des effets inattendus.
Ce matin, mon homme a cassé l'un de ses violons.
C'est loin d'être la fin du monde.
Mais j'étais là, à essayer de désarmer sa colère, sa rage, sa frustration.

Et à me dire que bon sang, j'en avais tellement ras le bol d'être toujours l'éponge de tout le monde.
C'est de ma faute, je le sais.
Mais n'empêche que j'en ai ras le bol.
Je ne changerai rien, je le sais aussi, parce que c'est mon mode de fonctionnement, qu'il est globalement bien pratique, et qu'en général, c'est plus confortable comme ça.

Mais malgré tout, voilà, j'en ai marre.
Je voudrais quelqu'un qui me protège.
Pouvoir rentrer chez moi, me dire que je suis à l'abri, et que quelqu'un s'occupe de tout.

Le paradoxe, c'est que je sais bien que c'est la personne que je veux être pour celui que j'aime.
Et je pense qu'une parfaite réciprocité en la matière n'est qu'utopie.

Mais voilà, juste là, je rêve d'une inversion des rôles, au moins de temps en temps.

6 commentaires:

Maylika a dit…

Dommage que tu sois loin...

DEMIJOUR a dit…

J'aurai tant à dire... je suis juste trop fatiguée.

Je pense à toi. Tu touches un point fondamental dans mes propres réflexions.

Caro D a dit…

@ Mali : et c'est tellement réciproque...

@ Demijour : j'spère que tu as pu te reposer.... On en rediscutera sûrement.

Anonyme a dit…

Tu sais qu'on est là.... et pas loin en plus, enfin pour moi ;). J'aimerai te soutenir mais je ne veux pas paraître intrusive.

Et je pense que tu pourrais parfois montrer ta fragilité à ton amoureux. Je ne pensais pas mon chéri capable d'inverser les rôles et il l'a merveilleusement fait quand je mourais de la gastro pendant les vacances.

Et alors cette montre ;););)

Lenaig

Caro D a dit…

@ Lenaig : c'est parce que j'ai constaté déjà à plusieurs reprises son incapacité à gérer les soucis que j'ai plutôt tendance à éviter.
Il n'arrive déjà pas à gérer les siens, alors cumuler les nôtres....
Tu sais, il fait partie de ces personnes à qui il vaut mieux ne pas parler quand tu es déprimée, parce que sinon, après, c'est pire ;-)
Je l'ai choisi en connaissance de cause, il me faut donc assumer.
Mais parfois, quand même, j'aimerais bien que ça soit différent.

Je sais que tu es là, et C. aussi. Et j'ai déjà écrit ici le bien que vous avez pu me faire lors d'une occasion particulièrement difficile en juin dernier.
C'est souvent le cas, même si je ne le mentionne pas.
Votre présence m'est précieuse. Parce que vous faites partie aussi des rares qui savent que je ne suis pas toujours en béton armé.
Donc tu me soutiens, même sans le savoir.
Mais parfois, tu sais, je rêve d'épaules musclées dans lesquelles me blottir le soir en rentrant chez moi.

Et sûrement que si j'en avais à temps plein, je rêverais de quelqu'un de plus fragile....

La montre.... Ben je ne la reçois que fin du mois !!!
Mais je te la montrerai, t'inquiète !
Tu avais vu celle de Noël ?

Anonyme a dit…

Non je n'ai pas vu celle de Noël! Il faudrait quand même qu'on se fasse un truc avec les loulous quand tu auras du temps.

Je me dis aussi souvent que j'aimerai un homme différent, moins stressé, moins pessimiste, avec un petit grain de folie. Et puis, à la réflexion, ce sont nos différences qui nous rapprochent. Si j'avais un amoureux qui me ressemble trop, je détesterai notre vie de bohème et je ne rêverai que d'un homme avec lequel je me sente en sécurité...

Bisous et bonne semaine!

Lenaig

PS: j'hallucine toujours autant qu'on puisse arrêter la pilule sans le dire à son mec! Mais où va-t-on?